À l’approche de l’élection présidentielle prévue pour le 25 octobre 2025, la Côte d’Ivoire avance dans un climat politique tumultueux. Depuis la réélection d’Alassane Ouattara en 2020 pour un troisième mandat ou premier mandat de la deuxième république (c’est selon), le pays a connu une dynamique ambivalente : des progrès économiques tangibles, mais aussi des tensions politiques récurrentes. Le cadre électoral, bien qu’en voie de réforme, continue de susciter des critiques, notamment sur l’indépendance de la Commission électorale indépendante (CEI) et la transparence du processus. L’exclusion de figures politiques majeures telles que Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et, plus récemment, Tidjane Thiam de la liste électorale ivoirienne a profondément remodelé le paysage politique à l’approche de l’élection présidentielle de 2025. Cette situation a placé l’opposition dans une position délicate, nécessitant une réévaluation stratégique urgente.

Pourquoi ces élections sont décisives?
L’échéance de 2025 est perçue comme un moment charnière : plusieurs figures historiques approchent de la fin de leur cycle politique, ouvrant potentiellement la voie à un renouveau générationnel. Dans une société marquée par une jeunesse nombreuse, politisée et impatiente, des tensions sociales non résolues et une pression économique croissante, le comportement électoral s’annonce à la fois exigeant et difficile à anticiper.
Accroche : Pourquoi 2025 pourrait bouleverser la scène politique ivoirienne
Le scrutin de 2025 pourrait profondément transformer le paysage politique. Une demande de renouvellement s’exprime clairement, notamment chez les jeunes. Parallèlement, les partis traditionnels traversent des turbulences internes, tandis que de nouvelles figures émergent, prêtes à bousculer les équilibres établis. Ce contexte pourrait amorcer un véritable changement de paradigme, autant dans le fond des politiques que dans la manière de gouverner.
Le RHDP conserve une position dominante dans les institutions et sur le territoire. Il s’appuie sur une maîtrise affirmée de l’appareil d’État, un maillage local robuste, des ressources économiques considérables, et l’image d’un parti tourné vers le développement. Mais cette force apparente cache des fragilités : tensions internes persistantes, désillusion d’une partie de la jeunesse, accusations de clientélisme, et un discours d’infrastructures réalisées qui semble s’essouffler.
Une stratégie axée sur la continuité et l’efficacité
Pour maintenir son emprise, le RHDP compte mettre en avant son bilan : croissance économique, stabilité, chantiers d’infrastructures. Sur le terrain médiatique, le parti intensifie sa communication numérique et mobilise des influenceurs proches du pouvoir. Parallèlement, il travaille à consolider ses alliances régionales et communautaires, en valorisant l’expérience gouvernementale face à une opposition jugée dispersée. Le choix du futur candidat est stratégique : il s’agit d’éviter une crise de succession en cas de départ d’Alassane Ouattara.
développement d’infrastructures (routes, rails, énergie), la digitalisation de l’administration, et surtout l’emploi des jeunes, avec l’objectif affiché de créer 500 000 postes d’ici 2027. Sur le plan social, le parti promet d’élargir la couverture maladie universelle (CMU) et d’intensifier la gratuité scolaire.
Gouvernance et défis de continuité
Depuis 2010, le RHDP s’est imposé comme le garant de la stabilité post-crise. Néanmoins, ce cap a souvent été pris au détriment d’un dialogue politique ouvert. Le défi actuel est de moderniser son leadership sans compromettre les équilibres socio-économiques. Une orientation trop conservatrice pourrait déconnecter le parti des attentes populaires, alors qu’un virage trop brutal risquerait de fragiliser ses acquis.
PDCI – L’opposition jadis habituée aux délices du pouvoir ou une volonté affichée de reconquête.
Le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) cherche à redevenir une alternative crédible. Depuis sa rupture avec le RHDP en 2018, il tente de se repositionner comme un parti structuré d’opposition. Sa stratégie repose sur un discours centré sur la réconciliation nationale, un retour à une démocratie apaisée et une gouvernance plus inclusive. Toutefois, son image reste encore trop associée à l’ancien régime, ce qui l’oblige à convaincre qu’il incarne désormais le changement.
Vers une coalition de l’opposition ?
Le PDCI envisage des alliances, notamment avec le PPA-CI de l’ex président Laurent Gbagbo, certaines branches du FPI et d’autres formations émergentes.L’opposition ivoirienne se structure pour une alternative crédible face au Rhdp, rassemblant 25 partis autour d’une dynamique commune. Ces partis politiques ont formé le lundi 10 mars 2025, une coalition.
Ces formations politiques composées, entre autres, du Pdci-Rda de Tidjane Thiam ; du Fpi de Pascal Affi N’Guessan ; du Mouvement des générations capables (Mgc) de Simone Gbagbo et du Cojep de Charles Blé Goudé, ont présenté cette coalition dénommée Cap-Côte d’Ivoire (Cap-CI). L’objectif : constituer un front commun face au RHDP. Mais entre rivalités de leadership et divergences idéologiques, la construction d’un tel bloc reste semée d’embûches. L’idée d’un candidat unique de l’opposition reste néanmoins sur la table.
Un projet axé sur l’État de droit et l’inclusion
Le programme politique du PDCI met l’accent sur l’indépendance des institutions, la lutte contre la corruption et la refondation du pacte social. Le parti prône un retour en force de l’agriculture et des PME, ainsi qu’une politique de décentralisation renforcée. Sur le plan sociétal, il propose une réforme des systèmes éducatif et sanitaire, ainsi que des mécanismes pour favoriser une justice transitionnelle et un climat politique plus serein.
Gbagbo, Blé Goudé, Soro et Thiam radiés : vers un scrutin sans enjeux ? Quelle marge de manœuvre pourl’opposition ivoirienne ? La radiation de ces leaders, qu’elles soient basées sur des décisions judiciaires ou des interprétations de la loi électorale, a créé un vide politique significatif. Ces personnalités incarnaient des courants politiques importants et mobilisaient une base électorale non négligeable. Cette situation soulève des questions sur l’inclusivité du processus électoral et alimente les accusations de manœuvres politiques visant à affaiblir l’opposition. L’opposition se retrouve face à un dilemme : comment maintenir la mobilisation de
ses partisans et préserver sa crédibilité, tout en participant à un processus électoral qu’elle juge inéquitable ?
Les stratégies potentielles de l’opposition
La voie juridique et institutionnelle
L’opposition peut choisir de contester ces radiations devant les tribunaux nationaux et internationaux, en mettant en avant les arguments juridiques et politiques.
Elle peut également intensifier sa pression sur la Commission électorale indépendante (CEI) pour exiger des réformes garantissant la transparence et l’équité du scrutin.
• La mobilisation populaire :
L’opposition peut organiser des manifestations et des rassemblements pour dénoncer ces exclusions et mobiliser ses partisans. Cependant, elle doit veiller à ce que ces mobilisations restent pacifiques, afin d’éviter toute escalade de la violence, chose qui servira à coups sûr de prétexte au gouvernement pour envisager la répression.
• La stratégie d’alliance :
Dans ce contexte, la nécessité d’une union de l’opposition est plus pressante que jamais. La création d’une plateforme commune, capable de transcender les divisions partisanes et de présenter un candidat unique, pourrait être une option stratégique. L’opposition doit aussi s’assurer d’une forte présence dans les médias, et réseaux sociaux, afin de contrer la communication du pouvoir en place.
• Le boycott :
Le boycott des élections est une option radicale, mais elle comporte des risques importants. Elle pourrait permettre à l’opposition de dénoncer le manque de crédibilité du processus électoral, mais elle pourrait aussi l’exclure du jeu politique pour les années à venir.
Les défis à relever
• L’opposition doit surmonter ses divisions internes et trouver un consensus sur une stratégie commune.
Elle doit mobiliser ses partisans, en particulier les jeunes, qui pourraient être découragés par ces exclusions.
Elle doit convaincre la communauté internationale de la nécessité de garantir des élections libres et équitables en Côte d’Ivoire.
En fin de compte, l’opposition ivoirienne se trouve à un tournant décisif. Sa capacité à élaborer une stratégie efficace et unifiée déterminera son avenir politique et l’issue de l’élection présidentielle de 2025. Il est crucial de se rappeler que si les militants du PDCI-RDA ont préféré l’ingénieur-banquier à Maurice Kakou Guikahué ou Jean-Louis Billon, c’est parce qu’ils le considèrent, et continuent de le croire fermement, comme le seul à posséder un réseau de contacts plus étendu que celui d’Alassane Ouattara, capable de contraindre le chef de l’État à ouvrir le jeu démocratique.
Ainsi, le destin de Tidjane Thiam est en jeu, tout comme celui d’Alassane Ouattara lorsqu’il était confiné à l’hôtel du Golf durant la crise postélectorale, ne disposant que de son téléphone pour mobiliser la communauté internationale et rendre le pouvoir de Laurent Gbagbo ingouvernable. Président Tidjane Thiam, le moment est peut-être venu d’activer vos réseaux. En effet, après la décision de justice, seul le Président Alassane Ouattara a le pouvoir d’autoriser votre candidature, à l’instar de ce qu’avait fait le président Laurent Gbagbo il y a près de vingt ans avec l’article 48, permettant la candidature de certains de ses opposants de l’époque. Soyons clairs, le Président ne se résoudra jamais à autoriser ces candidatures sans une pression internationale significative. La décision appartient donc à qui possède un solide carnet d’adresse à l’international. Autant la politique de la chaise n’est pas payante, autant celle qui consiste à ‘’éliminer’’ ses potentiels adversaires politiques ne l’est pas non plus. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Plus qu’un simple vote, 2025 représente un test de maturité démocratique. Ce sont la capacité d’adaptation, l’esprit de dialogue et la volonté de renouvellement qui dessineront les contours de la Côte d’Ivoire de demain.
_Paul-Axel KOUAME