1. Transparence et efficacité des finances publiques
La Loi de Finances 2025 introduit l’intégration des Comptes Spéciaux du Trésor dans les programmes budgétaires. Selon vous, cette mesure peut-elle réellement améliorer la transparence et l’efficacité de la gestion des finances publiques ? Quels pourraient être les défis à surmonter pour assurer son succès ?
- ALI BADINI, DIRECTEUR GÉNÉRAL – CREDIT ACCESS

Je tiens, de prime abord, à remercier la rédaction d’ADN politics d’avoir porter son choix sur ma modeste personne et pour l’opportunité qu’elle m’offre de m’exprimer sur des questions économiques qui touchent directement notre nation. En tant qu’économiste, c’est avec un réel plaisir que je me prête à cet exercice dans l’espoir d’apporter des éclairages utiles et des pistes de réflexion.
Pour revenir à votre question, il conviendrait de préciser que les comptes spéciaux du Trésor sont ouverts dans les livres du Trésor pour retracer les dépenses et les recettes effectuées en dehors du budget de l’État par des services qui ne sont dotés ni de la personnalité juridique ni de l’autonomie financière.
Ainsi, l’intégration de ces comptes spéciaux du Trésor dans les programmes budgétaires ne peut que renforcer la transparence et l’efficacité des finances publiques. En centralisant ces comptes, il devient plus facile de suivre et d’auditer les flux financiers, réduisant ainsi les risques de mauvaise gouvernance et de corruption. Cependant, pour assurer le succès de la gestion des comptes spéciaux, il est crucial de surmonter certains défis notamment : le renforcement des capacités des agents publics afin de s’assurer que tous les acteurs impliqués dans le processus comprennent les enjeux de l’introduction des comptes spéciaux du trésor dans la loi de Finances 2025. Ce renforcement aura aussi pour but d’éviter les éventuelles résistances au changement au sein de l’Administration. Il faudrait aussi favoriser la mise en place d’un système de suivi efficace grâce à l’usage de technologies avancées pour un suivi en temps réel des transactions limitant ainsi les dérives et les erreurs dans allocation des ressources.
2. Augmentation des recettes fiscales sans impact négatif
L’objectif d’augmenter les recettes fiscales à 15,4 % du PIB est ambitieux. À votre avis, quelles mesures concrètes pourraient être mises en place pour atteindre cet objectif sans alourdir la charge fiscale des ménages et des entreprises ?
Au regard du contexte économique actuel, je n’emploierai pas le terme ambitieux quand on sait que le seuil communautaire de convergence recommande 20% du PIB. Il faut le rappeler, la consolidation budgétaire repose principalement sur la hausse des recettes fiscales conformément au programme avec le FMI qui prévoit une croissance de 12,8 % du PIB en 2022 à 15,9 % d’ici 2026. Si l’Etat envisage d’adopter cette stratégie, sans pour autant alourdir la charge fiscale des ménages et des entreprises, plusieurs mesures peuvent être envisagées au nombre desquelles :
- l’élargissement de l’assiette fiscale, visant à renforcer les capacités de mobilisation de l’impôt et à améliorer le recensement des contributeurs.
- le renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale grâce à l’usage de technologies avancées permettant de détecter et prévenir les fraudes fiscales.
- l’optimisation des exonérations fiscales afin de réévaluer les dispositifs d’exonération et les niches fiscales en s’assurant qu’ils sont justifiés et bénéfiques pour l’économie.
- l’amélioration de l’efficacité de l’administration fiscale par la simplification des procédures fiscales et le renforcement des capacités des agents fiscaux.
« Les perspectives économiques sont jugées favorables, si l’on en croit toutes les tendances et chiffres observés, tant au plan national qu’au niveau international. L’introduction d’un cadre de performance pour évaluer les dépenses publiques serait la bienvenue pour favoriser une croissance continue, forte et résiliente, à condition que les autorités ivoiriennes poursuivent sur leur lancée, tout en maintenant les standards d’une gouvernance financière stricte et transparente »
3. Cadre de performance pour évaluer les dépenses publiques
Le cadre de performance pour évaluer les dépenses publiques est une nouvelle initiative. Quels impacts positifs cela pourrait-il avoir sur la gestion des fonds publics ? Quelles précautions faudrait-il prendre pour garantir son efficacité ?
Les perspectives économiques sont jugées favorables, si l’on en croit toutes les tendances et chiffres observés, tant au plan national qu’au niveau international. L’introduction d’un cadre de performance pour évaluer les dépenses publiques serait la bienvenue pour favoriser une croissance continue, forte et résiliente, à condition que les autorités ivoiriennes poursuivent sur leur lancée, tout en maintenant les standards d’une gouvernance financière stricte et transparente. Cela ne pourra produire que des effets positifs dans la mesure où cette initiative pourrait entraîner un triptyque de conséquence à savoir :
Une amélioration de l’efficacité des dépenses. Ainsi, en évaluant les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés, il est possible d’optimiser l’utilisation des ressources. Ensuite, il y aurait une reddition de comptes accrue. Les gestionnaires de fonds publics seront plus responsables de leurs actions et décisions.
Enfin, une transparence renforcée pourrait permettre aux citoyens et aux parties prenantes d’avoir une meilleure visibilité sur l’utilisation des fonds publics.
Et pour garantir l’efficacité de ce cadre, il est essentiel de mener entre autres les actions suivantes :
- Définir des indicateurs de performance clairs et mesurables,
- Assurer une collecte de données fiables et régulières,
- Former les agents publics à l’utilisation de ce cadre,
- Mettre en place des mécanismes indépendants de suivi et d’évaluation.
4. Financement durable pour le développement
Avec les besoins croissants en financement pour les infrastructures et les services sociaux, quelles stratégies recommanderiez-vous pour mobiliser des fonds publics et privés de manière durable et efficace ?
La mobilisation des fonds de manière durable et efficace passe avant tout par l’assainissement du climat des affaires et la mise en application des réformes visant à améliorer la lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux. Il convient également de favoriser une gestion active de la dette publique couplée au renforcement des capacités dans ce domaine.
A côté de cela, il existe des schémas classiques de mobilisation de fonds au niveau international, de façon durable, notamment :
- Les Partenariats public-privé (PPP) afin d’encourager les collaborations entre le secteur public et le secteur privé pour financer les projets d’infrastructure ;
- Les Obligations vertes et sociales, permettant d’émettre des obligations spécifiques pour financer des projets durables et sociaux ;
- L’amélioration de la gestion des ressources naturelles, afin d’optimiser leur exploitation et de générer ainsi des revenus supplémentaires ;
- Le renforcement de la coopération internationale, en vue de solliciter l’aide et les investissements étrangers pour financer les projets de développement ;
- La notation financière des organismes publics, pour donner du crédit à la vitalité de la gouvernance publique.
Voilà entre autres quelques pistes de solution non exhaustives qui s’offrent à notre Etat pour un financement durable pour le développement.