Au moment où l’Afrique de l’Ouest s’interroge sur sa souveraineté énergétique, sa résilience face aux chocs mondiaux et sa capacité à transformer ses ressources en valeur ajoutée durable, la Côte d’Ivoire fait le choix d’une stratégie assumée : celle d’un État aménageur et intégrateur, qui veut à la fois garantir l’accès à l’électricité à tous ses citoyens et repositionner le pays comme hub énergétique et extractif régional.

La création du Comité national de suivi du Pacte National Énergie n’est pas une simple mesure administrative. Elle acte la volonté de traduire l’objectif d’électrification universelle d’ici 2030 en mécanisme politique piloté, avec une obligation de résultats. Appuyée par des bailleurs de référence (Banque mondiale, BAD), l’initiative « Mission 300 » devient un levier de modernisation territoriale. C’est aussi une traduction concrète d’un impératif : décentraliser l’énergie pour décloisonner le développement.
La ratification d’un prêt de 103,3 millions d’euros pour le projet WAPP avec le Ghana est, quant à elle, une décision hautement géopolitique. Elle conforte la Côte d’Ivoire dans son rôle de puissance pivot de l’intégration électrique régionale, capable d’absorber les variations de demande tout en exportant de la stabilité. C’est une manière d’inscrire la souveraineté énergétique nationale dans un schéma coopératif sous-régional, intelligemment structuré.
Mais la nouveauté réside aussi dans la montée en puissance du pilier extractif. L’autorisation accordée à CENTAMIN pour des recherches aurifères à Kani et Séguéla, tout comme l’ouverture de négociations avec le géant brésilien PETROBRAS sur les blocs offshore en eaux profondes, montre une chose : la Côte d’Ivoire choisit de diversifier ses partenaires et d’approfondir la carte stratégique de ses sous-sols, avec une attention nouvelle portée aux zones jusqu’ici peu exploitées.
Derrière ces décisions politiques se dessine une réorganisation des chaînes de valeur énergétiques et extractives, qui offre des fenêtres d’opportunités sans précédent pour le secteur privé local :
• Dans l’énergie : les besoins massifs en électrification rurale, la pose d’infrastructures, la digitalisation du réseau, l’entretien des lignes et des équipements, ou encore la gestion de la consommation intelligente sont autant de marchés ouverts pour les start-up, PME et ingénieries locales.
• Dans le secteur minier : les prospections, les travaux préparatoires, les activités de sous-traitance, de forage, de transport, ou encore d’ingénierie environnementale appellent des expertises locales à se structurer, à se regrouper, et à se professionnaliser rapidement.
• Dans le pétrole : l’arrivée de nouveaux acteurs comme PETROBRAS va nécessairement générer une demande accrue en services logistiques, juridiques, portuaires et sécuritaires, où les entreprises ivoiriennes peuvent se positionner.
Ce moment politique ne doit pas être analysé uniquement à travers le prisme de la gouvernance des ressources. Il témoigne aussi d’un changement de paradigme stratégique : la Côte d’Ivoire ne cherche plus seulement à exploiter ou à stabiliser — elle cherche désormais à organiser un écosystème cohérent, articulant les ambitions de l’État aux capacités du privé.
C’est précisément là que réside l’enjeu : la transformation ne viendra pas uniquement d’en haut, mais par la capacité du tissu économique à s’approprier ces plans, à se structurer autour, et à créer de la valeur dans la durée.
Pour les entrepreneurs ivoiriens, il ne s’agit plus d’attendre des retombées. Il s’agit de lire les signaux faibles, de cartographier les chantiers à venir, de proposer des modèles agiles, ancrés dans les territoires, connectés aux partenaires techniques, et alignés sur les nouvelles exigences ESG.